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 Richard Dadd

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Lilicry
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Lilicry
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Richard Dadd _
MessageSujet: Richard Dadd   Richard Dadd Icon_minitimeDim 24 Oct 2010, 15:32

Richard Dadd Rdadd


«Dadd Richard, artiste peintre. 26 ans, né à Chatham, comté de Kent, Angleterre. Domicilié à Londres. Entré le 20 septembre 1843. Placé par arrêté de M. le préfet de Seine-et-Marne… Nous, soussigné, docteur en médecine… Certifions que le nommé Dadd Richard est affecté d’une aliénation mentale caractérisée par une fixité d’idées (manie partielle) qui paraît le porter au meurtre.»

Docteur Eugène Woillez, médecin de l’établissement, Clermont-sur-Oise, le 5 octobre 1843 : «Nous, soussigné, docteur en médecine, certifions que le nommé Dadd Richard est affecté de monomanie homicide. Ce jeune homme a commis un meurtre en Angleterre; il se croit inspiré et obligé d’ôter la vie à certaines personnes au moment de ses inspirations. Il est calme depuis son admission et paraît préoccupé constamment de ses idées fixes.»

Interné à la suite d’une nouvelle agression, le citoyen britannique en question a réalisé un rêve que nous avons tous partagé : le meurtre du père. Souvent rapproché de William Blake, ayant passé pratiquement toute sa vie d’adulte en asile à la suite de regrettables incidents, Richard Dadd (1817-1886) fut un remarquable artiste, qui aurait mérité une place de choix dans la récente exposition d’Orsay, «Crime et Châtiment». Il a malheureusement été relégué dans une injuste pénombre.
Son œuvre, éparpillée, est trop déconcertante. Encore aujourd’hui, la Tate londonienne ne sait trop où accrocher ses tableaux, entre le sublime de Turner et le revival médiéval des préraphaélites.
Ses compositions compliquées, mais dépourvues de propos narratifs, forment un «ensemble difficile à clarifier», reconnaît Alison Smith, conservatrice au musée. La volumineuse publication de la Tate sur l’histoire de l’art britannique ne lui accorde aucune place.
«La peinture de Dadd est un fascinant mystère, souligne Nicholas Tromans, historien qui va publier sa biographie l’année prochaine. Il entretenait un univers mental clos, aux références culturelles inattendues, dont le sens reste toujours incertain.»
Ajoutez à cela qu’une documentaliste de l’asile où il finit ses jours s’est arrogé la recherche quarante ans durant, et vous avez un cocktail suffisant pour effrayer n’importe quel historien de l’art.
Il est encore moins connu en France, qui a notoirement une difficulté à reconnaître l’existence d’une grande peinture hors de ses frontières. Une de ses œuvres fantastiques a cependant été achetée par le Louvre en 1997. Elle représente le sommeil enchanté de Titania, encerclée d’une spirale de lutins et encadrée de chauves-souris, tiré du Songe d’une nuit d’été.
Dans ses notes, que vient de publier Hélène Klemenz dans le Burlington Magazine, le médecin français attribue le délire de l’interné (qui le prend pour le Christ) à «l’excès de travail [souvent aux dépens de son sommeil], des déceptions inattendues et un séjour assez prolongé sous le ciel brillant du Levant».
Il se croit «le fils du soleil, qu’il passe en effet des journées presque entières à fixer sans aucun clignotement des paupières» et sans trouble visuel apparent. Des voix intérieures le poussent «à mettre à mort tous les diables» dans son entourage.
«Ces diables entrent dans son corps et il est souvent furieux parce qu’il est obligé de les cracher - il en voit dans la salive.»
Il présentait, en fait, tous les symptômes d’une schizophrénie aiguë, mais la science avait encore des efforts à faire, puisque la seule thérapie consistait en bains froids. Ils n’ont rien donné, hélas, et le malade fut extradé, «non guéri».

Richard est né dans une famille de sept enfants dont plusieurs allaient développer des troubles mentaux. Il perdit sa mère à 6 ans. Il avait un père chimiste et accumulateur de sagaies et de toucans empaillés, de tarentules et de coquillages du Pacifique - pour son compte ou pour celui de la société philosophique et littéraire dont il était le conservateur à Chatham.
L’enfant était un dessinateur précoce, montrant un goût studieux pour la miniature. En 1834, le père déménagea à Londres pour s’installer comme bronzier.
Trois ans plus tard, son fils intégra l’Académie royale, suivant le cursus classique privilégiant la peinture d’histoire (les rois et reines, les grandes scènes du royaume). Il traçait aussi des portraits saisissants de sa famille à l’aquarelle.
Certes, il acquit vite un penchant pour les fées et lutins, mais cela n’avait rien d’extraordinaire à une époque où le romantisme soufflant d’Allemagne tournait toutes les jeunes têtes de l’aristocratie britannique. Avec ses copains, ils formaient une petite bande surnommée «la Clique», passant leurs soirées à élaborer des compositions à partir de lectures de Shakespeare et Byron.

Outre ses peintures shakespeariennes qui firent impression à l’Académie, il illustrait d’un trait nerveux des poèmes et ballades peuplés de spectres, sorcières et gobelins, chevaliers errants et Croisés éperdus, prenant juste - petit détail - la liberté d’empaler un lutin sur une lettre d’un titre.
L’Art Journal le distingua comme «un poète parmi les peintres», l’avertissant toutefois de prendre garde à ne pas trop «franchir les limites qui séparent l’imaginaire de l’absurde».
En 1842, sur les traces de Chateaubriand et Byron, Dadd entreprit un périple de dix mois à travers le Proche-Orient au service d’un notable. Le long des ruines antiques et sites bibliques, ce grand tour fut malheureusement conduit par son employeur à un train d’enfer, ce qui rendait encore plus admirables les peintures élaborées plus tard à partir de fragments rapidement crayonnés des maisons et costumes colorés, dromadaires, formidables brigands et enfants à demi-nus grouillant sur les marchés.
Dans une lettre, il faisait partager à un de ses amis «l’excitation de ces scènes, suffisante pour troubler un esprit affaibli», s’avouant certaines nuits «tant assailli d’hallucinations» qu’il en venait «à douter de sa propre santé mentale».

Du Proche-Orient à la camisole de force
Hanté par le mythe des Amazones, le jeune homme était apparemment fasciné par la sensualité émanant des Hellènes ou des Ottomanes.
Epuisé, peut-être victime d’insolations, il commença à alterner accès de paranoïa et phases d’exaltation, dirigées contre la mystification du christianisme.
La première mission officielle que lui confièrent les dieux de l’Orient fut ainsi l’assassinat du pape, mais la protection dont il s’entourait contrecarra ce grand projet.
Rentré en Angleterre, il s’attaqua à un Saint Georges terrassant le dragon lors d’un concours ouvert pour la décoration de la Chambre des députés.

Vivant exclusivement d’œufs et de bière, il se spécialisa dans les compositions orientalistes, tirées de ses souvenirs et esquisses. Son père s’inquiétait cependant suffisamment de ses mouvements d’humeur pour interroger un aliéniste réputé, qui s’était fait une spécialité de l’étude de l’urine des fous.
On ne sait s’il eut en main un échantillon de son sujet, mais, sans même l’avoir examiné, il rendit un avis formel : il était nécessaire de l’enfermer, il était dangereux.
Il n’en fallait pas plus pour basculer dans le drame.
Richard invita son père à en parler lors d’une promenade, par une soirée étouffante d’août, dans un parc proche de Chatham. A l’aube, un homme trouva le corps de Robert Dadd, frappé à la tête, égorgé, poignardé à plusieurs reprises, la lame tournée en tous sens une fois qu’elle s’était fichée dans la poitrine.
«Allez prévenir le grand dieu Osiris que j’ai réalisé le geste qui le libérerait.» Richard prétendait avoir lancé cette adresse aux esprits, les bras ouverts vers le ciel.
En réalité, il n’avait pas vraiment eu le temps d’une cérémonie religieuse. Ayant préparé sa fuite, il s’embarqua à Douvres. Il avait débarrassé la planète d’un démon.
D’autres attendaient sûrement sa vengeance et, en bon Anglais, il considéra que la France ferait un excellent terrain d’élection. En diligence, dans la forêt de Fontainebleau, la conjonction des étoiles lui intima l’ordre d’égorger un voyageur, «avec un excellent rasoir de fabrication anglaise», selon les termes d’une gazette appréciative.

Le 22 août 1844, de retour à Londres, un homme en camisole de force d’1 m 73, aux yeux bleu pâle, passa ainsi l’entrée de l’asile Bethlem, encadré bien à propos des statues de la Mélancolie et du Délire.
Il ne devait jamais recouvrer la liberté. Les traitements inhumains dans ces institutions étaient alors en régression sous l’influence de la Révolution française et des Quakers.
L’entrée payante, proposée aux visiteurs venant s’amuser au spectacle de ces pauvres hères, avait été supprimée. Les soins, cependant, étaient inexistants, et Bethlem ressemblait bien davantage à une sinistre prison de ville qu’à un hôpital.
Perdu dans ses pensées, Richard vécut vingt ans dans une cellule de 10 m2. Il eut cependant la possibilité de reprendre le chevalet, au point que, dès mai 1845, l’Art Journal pouvait faire l’éloge d’une «merveilleuse production» de dessins et aquarelles (mais aussi de peintures) démontrant un talent et une «capacité à l’imagination» indemnes, avec lesquels «peu de peintres pourraient rivaliser».
Au titre des nouvelles inquiétantes sur ces tableautins, la revue faisait état d’une tour détruite par la foudre divine, ou de légendes en charabia franco-anglais : «Ici, on voit clair de lune, peignè des recollections qui existent dans la tete du peinteur, et des certains marques et lines dans la livre petit que je crois de n’avoir pas ète dans le possession du Sir Thos Phillips.»

Croisements erratiques et veine féerique
Bénéficiant de plus ou moins de liberté selon les responsables de l’asile (un médecin moraliste ne lui pardonnait pas son apparent détachement et son absence de remords), il composait toujours des scènes orientales, qui prirent le chemin des expositions et collections privées.
Leur fini très abouti contraste avec le gribouillis intense de certains dessins. Sa peinture apparaît ainsi très éloignée de «l’art d’aliéné» tel qu’on le conçoit généralement, de l’art brut qui fut tant prisé au XXe siècle, ou même des visions mystiques d’un George Frederick Watts.

Dadd n’est pas Artaud, et ce paradoxe même a pu contribuer à sa mise à l’écart de l’histoire de l’art moderne. Certains sont allés jusqu’à prétendre qu’il n’y avait pas de rapport entre sa peinture et ses symptômes. Ses scènes sont quand même investies de détails spatiaux étranges, et surencombrées de personnages, trahissant un esprit obsessionnel.
Son biographe souligne aussi les croisements erratiques entre les mythologies de l’Antiquité et de la Bible corrélés à ses délires.

En 1864, Dadd fut transféré au nouvel établissement de Broadmoor, dans la campagne, où s’appliquaient les balbutiants principes d’une réforme thérapeutique.
L’artiste put revenir à sa veine féerique la plus riche, tout en se tenant au courant des évolutions extérieures à travers les magazines, comme en atteste l’influence tardive des préraphaélites.
Il pouvait aussi puiser dans la bibliothèque d’un voisin, chirurgien de l’armée américaine, qui avait tué un homme dans une bouffée délirante, mais contributeur constant à l’Oxford English Dictionary auquel il continuait d’envoyer ses articles d’étymologie.
Sur le rideau de scène de la salle de spectacles, Dadd posa un temple grec sur un à-pic tombant dans une mer déchaînée.
Pendant les vingt-deux ans qu’il vécut entre ces murs, Dadd poursuivit une œuvre complexe, allant de visages ambigus de faunes cachés dans les herbes à une tête assez effrayante composée à l’Arcimboldo de carapaces d’insectes...

Voici quelques unes de ses oeuvres...

Richard Dadd Dadd2

Richard Dadd Dadd07

Richard Dadd Richard_Dadd_-_Come_unto_These_Yellow_Sands

Richard Dadd Dadd.Titania

Richard Dadd Oberon-Titania-Dadd-L

Richard Dadd 4
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